Témoignages et récits des anciens étudiants sur la vie de l’Institut Saint Serge (Paris, 28.11.2025)

Discours soutenu par Métropolite Serafim lors de la réunion des anciens étudiants de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, présentant des témoignages sur la formation reçue et son impact spirituel et académique.

Chers amis, permetez moi, tout d’abord, de remercier les organisateurs de ce colloque pour l’invitation d’y prendre part et d’apporter un petit temoignage. Je suis arrivé à St. Serge au mois de novembre 1982 et j`y  suis resté jusqu’au mois de septembre 1989, donc 7 ans. Je venais d’un pays comuniste dont le regime avait comme doctrine officielle l’atheisme millitant. L’activité de l’Eglise était limité aux offices liturgiques à l’interieur des églises et le nombre d’écoles théologiques réduit au minimum : 6 séminaire et deux facultés pour une population orthodoxe de presque 20 millions. Plus de 2000 prêtres orthodoxes ont été emprisonnés pour des périodes plus ou moins longues (dont aussi le grand théologien, Père Dumitru Stăniloae, ami de l’Institut, canonisé cette année sous le vocable : « Saint Dumitru, le Confesseur ») et plus de 5000 moines et moniales expulsés de leurs monastères. Aprés 1980 un certain dégel à eu lieu : l’Eglise pouvait envoyer en Occident des étudiants pour continuer leurs études.

A Sibiu, où j’ai étudié entre 1970-1974, j’ai récu une bonne formation théologique, mais assez scolastique. Arrivé à St. Serge, j’ai suivi les cours de dogmatique du Père Boris Bobrinskoy et de morale d’Olivier Clément qui m’ont surpris par leur fraicheur. J’avais l’imprésion que tout été nouveau pour moi. Surtout le cours d’Olivier Clément sur la personne m-a marqué pour le reste de ma vie. La personne qui récapitule tout en soi, toute l’humanité et tout l’univers. Le Christ, « Homme universel », « Adam total » ; le chrétien, lui-aussi, homme universel, Adam total, qui n’est séparé de personne et de rien parce qu’il porte tout en lui ! Contrérment à la personne, l’individu, égoiste vit au niveau le plus bas de l’humanité. Fermé en soi, il oublit les autres et la création et profite d’eux. C’est toute la tragedie du monde et de l’univers !

J’ai été envoyé à St. Serge pour des études doctorales, sans avoir aucune idée du sujet de thèse à traiter. C’est le père Boris qui m’en a suggéré un : « L’hésychasme dans les pays roumains ». A l’époque, le père Boris était responsable de la traduction de la Philocalie en francais et s’intèressait à la vie de Saint Paissij Vélitchkovsky (1722-1794), qu’on pourrait appelé « l’auteur moral de la Philocalie », car il fut à l’origine du renouveau hésychaste sur le Monte Athos qui a conduit à la publication de la Philocalie par Saint Nicodème l’Hagiorite (Vénise, 1782). Comme je connaissais très peu la tradition hésychaste, j’ai dû me concentrer tout d’abord sur l’étude de l’hésychasme en general, ensuite sur la vie de Saint Paissij et le renouveau hésychaste du XVIII ème siècle qu’il a initié et promu tout au long de sa vie.

Parce que l’hésychasme est l’âme de la spiritualité orthodoxe qui cherche la paix du coeur permettez moi de dire quelques mots sur cette tradition, la seule qui puisse sauver l’homme moderne épuisé par le materialisme et le consumérisme. Comme on le sait, la tradition hésychste remonte aus Pères du désert qui cherchaient la paix du coeur par l’ascèse et la prière continuelle, surtout la prière de Jésus. Pourtant toute prière doit devenir une prière du coeur, pénétre dans le couer ou « descendre dans le coeur », comme disent les Pères, car dans le coeur se concentre tout l’être humain, toute l’humanité et tout le cosmos. Dieu lui-même a son lieu de préférence dans le coeur humain. Une prière qui ne touche pas le coeur reste une prière superficielle qui n’a pas la force de transformer l’être humain. Par la prière et l’ascèse, la grâce crée en nous un coeur pur et compatissant pour tout homme et toute la crétion. C’est le but de la vie ! Il faut dire aussi que le plus grand énnemi de la priére c’est la prière mécanique qui se fait uniquement avec les lèvres sans l’attention concentrée dans le coeur.

Au XVIIIème siècle, Saint Paisij Velitchikovsky a renouvelé le monachisme orthodoxe par le retour à la tradition hésychaste presque oubliée. Sur le Mont Athos où il vécut pendent 17 ans et surtout au monastère de Neamtz en Moldavie où il avait plus de 1000 moines de toute les nations orthodoxes, Paissij a créé une véritable école de traduction des textes philocaliques en slavon, russe et en roumain. La spécifité de la communauté paissiène  a été justemment l’introduction de l’esprit hésychaste dans la vie communautère. Toute prière personnelle et liturgique devait de faire avec l’attention concentrée dans le coeur pour devenir progressivment une prière du coeur. Dans la liturgie de l’Eglise l’accent doit être mis sur les paroles de la prière et non sur le chant qui ne sert qu’à entourer la parole pour la faire pénétrer dans le coeur. C’est la règle depuis toujours de l’Eglise !

Je crois que la nouveauté par excellence de l’enseigment à St. Serge, depuis ses débuts, consiste justemment dans l’effort de dépasser la Scolastique, faire sortir la thélogie orthodoxe de sa « captivité babylonienne » comme s’est exprimé le Père George Florovsky, professeur de l’Institut, par le retours aux Pères. Faire donc de la théologie une vraie fonction de l’Eglise, une théologie vivante, engageante, inspireée constament de la liturgie de l’Eglise et des Pères. La renouveau liturgique, promu par le Père Alexandre Schmemann, ancien profeseur de l’Institut, fut pour moi une grande découverte qui m’a marqué pour le reste de ma vie. Lire les prières eucharistiques à haute voix comme c’était le cas dans  l’Eglise ancienne aide les fidèles à participer d’une manière consciente au mystère eucharistique. Autrement, la Divine Liturgie est vidée de son contenu et se réduit à des écténies et à des chants sans lien entre eux. Et cela surtout à une époque où l’homme cherche à tout comprendre !

Saint Serge a marqué profondemment la vie des fidèles orthodoxes en Occident, les a fait sortir de leurs ghettos éthniques et misent ensembles. Ici la Fraternité orthodoxe en Europe Occidentale a joué un rôle très important. J’ai été aussi marqué par l’esprit oecuménique de professeurs de St. Serge dépuis sa fondation. Des Professeurs de St. Serge ont définit les fondements théologiques de la participation orthodoxe au mouvement oecuménique. Nous savons bien que la désunion des chrétiens est un pêché contre l’Esprit Saint et un contre – témoignage pour le monde extérieur à l’Eglise. Au raprochement des chrétiens contribuent aussi les « Semaines liturgiques de St. Serge » qui se déroulent ici regulièrement depui 71 ans ! N’oublions aussi les dizaines des paroisses orthodoxes francophones nées justemment de l’esprit de St. Serge.

Permettez moi de conclure ce petit témoignage en disant que le séjour à St. Serge à completement changé ma vie. Je peux dire sans exagéré que je suis né une deuxième fois à St. Serge !

Merci de votre attention !

+Métropolite Serafim