L’Esprit Saint – Donateur de vie

 Roi céleste, Consolateur, Esprit de Verité
Qui est partout présent et qui remplit tout
Trésor de tout bien et Donateur de vie
Viens et demeure en nous
Purifie nous de toute souillure
Et sauve nos âmes, Toi qui est Bon!

C’est la prière adressée à l’Esprit Saint par laquelle nous, orthodoxes, commencons tout office liturgique et toute prière personnelle. Car nous sommes conscients que la prière, telle que Dieu la veut, „en esprit et en vérité” (Jn. 4,12), n’est pas notre ouvre mai l’oeuvre de l’Esprit Saint en nous. „L’Esprit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous par de gémissements inexprimables” dit l’apôtre Paul (Rm. 8,26).

 Dans cette prière d’invocation de l’Esprit, nous confessons quelques uns d’innombrables attributs de l’Esprit Saint. Il est „Roi céleste”. Rappelons-nous que dans l’Evangile selon Luc, des témoins très anciens ont, dans le Notre Père, à la place de „Que ton Regne arrive „, la variante „Que ton Esprit Saint vient”. Le Royaume de Dieu est donc identifié à l’Esprit Saint, qui le manifeste et le rend présent dans le monde. C’est pourquoi les Pères de l’Eglises (voir en particulier Saint Grégoire de Nisse et Saint Syméon le Nouveau Théologien) disent que „l’Esprit Saint est le Royaume”. Dans ce sens tous les passages de l’Ecriture qui parlent du Royaume de Dieu doivent être compris comme parlant de l’Esprit Saint.

L’Esprit Saint est également „le Consolateur” ou le Paraclet. Le mot biblique „Paraclet” (cf. Jn. 14,7,26; 15,26) signifie l’avocat ou le défenseur, d’où le sens d’intercesseur ou celui de consolateur: l’Esprit nous aide et nous console dans les tentations que le diable et le monde soulèvent contre nous.
L’Esprit Saint est aussi „l’Esprit de Verité” (Jn. 14,16; 15,26) qu’il révèle au monde. C’est pourquoi „il a parlé par les prophètes” et dans le Nouveau Testament il conduit les croyants à la vérité toute entière  du Christ (cf. Jn. 16,13), c’est-à-dire à la pleine compréhension de la vérité qui se manifeste intégralement dans le Fils incarné. Cette vérité du Christ est constitutive à l’homme. L’homme n’est pleinement humain que dans le Christ, sa vérité fondamentale. Or, l’Esprit Saint nous aide à saisir la vérité du Christ et la faire notre pour en vivre. Alors seulement nous serons des hommes libres (Cf. Jn. 8,32).
Nous confessons aussi que l’Esprit Saint est „Trésor de tout bien”, car tous les dons  de Dieu viennent par Lui. C’est pourquoi, l’apôtre Paul nous dit: „N’attristez pas le Saint Esprit” (Eph. 4,30) pour n’être pas privés de des dons certes, le don le plus grand que Dieu nous a fait est le don de la vie. Dieu nous a appelé du néant à être pour être, dans ce monde, les instruments de ses ouvres.
Toute vie vient gratuitement de Dieu et doit refléter sa gloire et ses perfections. Nous n’avons aucun droit à l’existence. Tout homme qui vient dans le monde est un cadeau, marqué du sceau divin, que Dieu fait aux parents, à la famille, à la société, au monde.
De plus, en tant que chrétiens, nous avons non seulement le don naturel de la vie mais aussi le don de la vie éternelle dans le Christ. Par notre baptême nous sommes „incorporés” dans le Christ. Nous faisons un avec lui. Sa vie et sa mort sont aussi notre vie et notre mort. „Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur; soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur” (Rom. 14,8). Cet „être au Seigneur”, signifie justement avoir avec lui la vie éternelle.
Tant le don de la vie naturelle que celui de la vie éternelle dans le Christ nous viennent par le Saint Esprit qui est le „Donateur de vie” par excellence. C’est en tant que „Seigneur, Donateur de vie” que nous confessons l’Esprit Saint dans le Symbole de Nicée-Constantinople et que nous l’appelons dans la prière „Roi céleste…”.
Notre exposé sera très simple et s’arrêtera brièvement sur les dons de la vie naturelle et de la vie spirituelle que nous communique l’Esprit Saint pour conclure par un paragraphe plus pratique que j’appellerais „Violence évangélique et fruits du Saint Esprit”, selon la 19 -ème Homélie spirituelle de Saint Macaire le Grand.

1. L’Esprit Saint – principe de la création
Selon l’adage patristique tout vient „du Père, par le Fils, dans l’Esprit Saint”. La création du monde comme sa rédemption et la Providence divine sont ouvre de la Trinité „sainte, consubstantielle, vivifiante et indivisible”, telle que nous la proclamons dans nos offices liturgiques. Pourtant chaque Personne divine agit en unité avec les autres d’une manière propre. Selon les Pères de l’Eglise, qui ont scruté mieux que tous les Ecritures et les mystères de Dieu, au Père appartient l’initiative et le bon vouloir, au Fils, la réalisation du projet divin et au Saint Esprit, l’accomplissement. Le Père agit donc, comme dit Saint Irénée de Lyon, par ses deux Mains qui sont le Fils et l’Esprit Saint.
Le référat biblique sur la création de l’Univers et de l’homme ainsi que d’autres passages de l’Ecriture Sainte de l’Ancien Testament nous font comprendre le rôle de l’Esprit Saint en tant que principe de la vie. 

Alors que la terre était encore „informe et vide”, „le souffle de Dieu planait sur les eaux” (Gen. 1,1). Il réchauffait pour ainsi dire – telle une poule qui couve ses oeufs – la terre, pour que la vie surgisse. Et c’est ainsi que, par la Parole de Dieu et son Souffle créateur de vie, la terre prend son visage: la lumière fend les ténébres et luit dans le monde, les eaux se séparent et la vie apparaisse. Tout d’abord dans la nature: la verdure, les arbres, les êtres marins et terrestres ainsi que les ailés. Ce sont les premiers cinq jours de la création. Le sixième, Dieu créa l’homme „à son image et à  sa ressemblance”, pour qu’il domine toute la création”.

Remarquons d’abord que la création de l’homme est un acte spécial de Dieu. Tandis que  tous les autres êtres sont appelés à l’existence par seule la Parole et que c’est la terre elle-même qui les „produit” par la puissance divine qui se cache en elle, l’homme est modelé de la glaise du sol par Dieu lui-même. Et pour qu’il devienne une „âme vivante”, Dieu lui insouffle son Esprit même. C’est ainsi que la Tradition orthodoxe comprend „le souffle de vie” que Dieu inspira à l’homme dans l’acte de sa création.
L’homme est modélé de la terre et de l’Esprit Saint, dit Saint Irénée de Lyon. C’est pourquoi l’apôtre Paul, citant d’ailleurs le poète Epiménide (VI -ème siècle, avant Jésus Christ), dit: „C’est en lui (Dieu) que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Car nous sommes de sa race” (Act. 17,28). Pourtant l’homme n’est pas de condition divine. Il n’est pas „dieu” par nature, mais il est apparenté à Dieu par son origine, par l’inhabitation de l’Esprit Saint en lui („ne savez vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous” I Cor. 6,19) et par sa destiné qui est précisément celle d’atteindre la „ressemblance avec Dieu” ou la divinisations.
Le fait que l’homme soit modelé de la terre et de l’Esprit Saint signifie plus précisément que son vase de glaise qu’est sa nature créée, porte le sceau divin, l’image de Dieu. Ce qui le rend capable de vivre en comunion aves Dieu. Et cela constitue sa raison d’être. Nous ne vivons réellement que dans la mesure de notre communion avec Dieu. Hors Dieu il n’y a que néant et ténébres. C’est pourquoi toute la Bible est une invitation pressante à la communion avec Dieu pour avoir la vie en plénitude, après que le péché fit son irruption dans l’humanité et la sépara d’avec Lui. Mais Dieu ne peut que proposer, la décision nous appartient.
„Voici, je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité, vous viviez” (Deut. 30,19).
Que l’Esprit ou le Souffle de Dieu soit le principe de la vie, de l’homme comme celui de la création, est un lieu commun de la Révélation vétéro-testamentaire dont le souci principal était de détourner Israel de l’adoration de la nature. Surtout les Psaumes chantent la création comme uvre des mains de Dieu:”Par la Parole de Dieu les cieux ont été faits et par le souffle de sa bouche toute leur armée” (32,6). Le „Psaume de la création” (103), lu aux Vêpres bizantines, proclame: „Tu envoies ton souffle, ils sont créés / tu renouvelles la face de la terre” (30). Et parce que „l’Esprit incorruptible de Dieu est en toutes choses” (cf. Sagesse 12,1), le Psalmiste finit ses chants par une exhortation universelle: „Que tout ce qui respire loue le Seigneur” (Ps.150,6).
Mais, c’est surtout la grande vision d’Ezéchiel (37,1-14) sur la résurection des morts, qui nous fait saisir l’action vivificatrice de l’Esprit de Dieu, sans lequel l’homme n’est que poussière. C’est pourquoi cette prophétie est lue à la fin des Matines du Samedi Saint, comme attente et préfiguration de la résurection du Christ et celle des morts.
 
2. L’Esprit Saint et la vie nouvelle dans le Christ
Dieu a renouvelé le monde par son Fils qui s’est incarné „de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie”, „pour nous hommes et pour notre salut”. Dans le Christ, Dieu s’est réconcilié le monde, séparé de lui par le péché. Cette réconciliation n’est pas un acte divin extérieur, une sentence que Dieu aurait prononcé sur l’humanité, à cause des mérites de son Fils devenu homme. Non. La réconciliation s’est mystérieusement réalisée dans la Personne du Christ qui unit la nature divine et la nature humaine. Le Christ est vrai Dieu et vrai homme. En tant qu’homme, il récapitule en lui toute l’humanité, tout le créé. Il n’est séparé de personne et de rien. Tout vit en lui. Il est l’homme total ou l’Adam total, tel que Dieu crea, au commencement. Ce n’est que par suite au péché que la nature humaine, unitaire et totale, du premier homme, qui englobait aussi tout le créé, éclata, se divisa et l’antagonisme apparut dans le monde. Après le péché l’homme n’est plus maître de la création, celle-ci ne vit plus en lui, lui échape et s’oppose. Aussi, au niveau de l’humanité. Les hommes ne portent plus que les traces de leur unité primordiale. En réalité, le péché les divisent, les séparent et crée entre eux des rapports antagonistes qui vont jusqu’au meurtre, forme extrême de la haine destructrice.
Or, le Christ est l’homme en tout semblable à nous, sauf le péché. Mais quelle dissemblance aussi! Car dans l’état du péché où nous vivons, nous ne pouvons jamais comprendre le mystère du seul homme sans péché qui est le Christ. Comment le Christ nous a récapitulé en lui et nous a fait „membres de son Corps” que l’Eglise actualise dans les sacrements jusqu’à la fin des siècles? C’est un mystère que seules une foi sincère et une authentique vie ascétique peuvent approcher.
Notre réconciliation avec Dieu s’est donc réalisée au niveau de la nature humaine du Christ, purifiée et divinisée au contact de la nature divine et aussi par tout ce qu’il a souffert pour nous, par sa mort et sa résurection.
Mais pour que cette réconciliation devienne effective en chacun de nous, nous devons en prendre conscience d’une manière existentielle et la faire réellement nôtre. C’est-à-dire que nous devons vivre dans le Christ. La vie chrétienne est la vie dans le Christ. Elle nous est offerte et donnée incessamment dans les sacrements de l’Eglise par la puissance de l’Esprit Saint.
L’homme nouveau que nous revêtons le jour du baptême naît par l’opération de l’Esprit Saint qui nous greffe sur le Corps du Christ, en tant que ses membres. Au baptême nous nous dépouillons de l’être ancien selon Adam avec ses lois et nous revêtons l’être nouveau selon le Christ avec sa justice. „Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle: l’être ancien a disparu, un être nouveau est là” (II Cor. 5,17).
Cet être nouveau est à la fois membre du Corps du Christ et „temple du Saint Esprit”, dont il a reu l’onction, le jour même du baptême. Ainsi toute la Trinité habite en nous. Saint Athanase dit: „L’Esprit étant en nous, le Verbe qui donne l’Esprit est aussi en nous, et aussi le Père qui est dans le Verbe”.
Mais le baptême n’est que le commencement de la vie nouvelle dans le Christ. Les dons du baptême doivent être actualisés tout au long de notre vie. C’est le processus de la croissence spirituelle, qui nous rend de plus en plus semblable au Christ. Elle se réalise aussi par l’action de l’Esprit Saint en nous. Car c’est l’Esprit qui nous conforme sans cesse à l’image du Fils de Dieu, nous rendant doux et humbles, purs, obéissants et pleins d’amour, comme le Christ.
„Dans la mesure où nous recevons la plénitude de l’Esprit Saint, nous recevons la plénitude du Christ”, dit un grand spirituel de nos jour. „Car, plus nous faisons une place à l’Esprit Saint en notre cur et en notre vie, plus l’Esprit Saint prépare en nous une place pour le Christ” (Père Mattael-Maskîne). Et lorsque le Christ vivra pleinement en nous, notre être mortel sera totalement engloutie par la vie nouvelle qui n’est autre que le Royaume de Dieu venu en puissance.

3. Violence évangélique et fruits du Saint -Esprit
„Celui qui veut s’approcher du Seigneur, être digne de la vie éternelle, devenir la demeure du Christ, être rempli du Saint-Esprit, afin de porter les fruits de cet Esprit et d’observer en toute pureté et d’une faon irréprochable les préceptes du Christ, doit d’abord croire fermement dans le Seigneur, puis se livrer sans réserve à ses commandements et renoncer totalement au monde, pour que son intellect ne soit plus occupé par rien de visible. Il doit constamment persévérer dans la prière, attendant sans cesse, dans l’espérance confiante du Seigneur, sa visite et son secours, et gardant toujours ce but présent à sa pensée. Il doit ensuite se faire violence pour accomplir tout le bien et observer tous les commandements du Seigneur, à cause du péché qui est en lui. C’est ainsi qu’il doit se faire violence pour être humble devant tout homme, pour se considérer comme plus petit et pire que tous, ne recherchant pas l’honneur, la louange et la gloire auprès des hommes, comme il est dit dans l’Evangile (cf. Jn. 5,44), mais n’ayant sans cesse devant les yeux que le Seigneur et ses commandements, et ne voulant plaire qu’à lui seul en toute mansuétude de coeur, comme le dit le Seigneur: <<Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes>>”  (Mt. 11,29).
Voici un text admirable de Saint Macaire le Grand ( 19 -ème Homélie) concernant  la violence „qui nous est demandée pour arriver à la <<stature du Christ>>”.
La vie nouvelle en Christ est donc une vie très exigente et suppose un angagement total de la part du chrétien pour la pratique des commendements divins. Un adage des Pères ascétiques, qui pourrait étonner beaucoup de chrétiens aujourd’hui, même des orthodoxes, résume la Tradition orthodoxe, concernant l’angagement du chrétien pour la sanctification, dans ces monts: „Donne le sang et recoit l’Esprit”. Cet adage est aujourd’hui aussi confirmé par les ascètes orthodoxes. Un contemporain du Mont Athos, le Père Théoklitos du monastère de Dionisiou, dit que l’Orthodoxie est ascétique par sa nature même. Et que celui qui méprise l’effort ascétique consitant dans la prière, le jeune, les privations diverses … tout ceci pour accomplir le bien envers le prochain, celui-là ne connait pas l’esprit de l’Orthodoxie. Cela ne doit pas nous surprendre: l’Evangile-même nous le demande. „Faites-vous violence, car se sont les violents qui s’emparent du Royaume des cieux” (Mt. 11,12) et „Efforcez vous d’entrer par la porte étroite” (Lc.13,24). Si nous regardons la vie du Seigneur, celle des apôtres, des martyrs et de tous les saints, nous nous rendrons compte combien ce principe ascétique de la violence personnelle en vue du Royaume a une valeur permanente. Surtout, aujourd’hui, quand la foi a tellement faiblie et avec elle tout notre engagement pour la purification et la sanctifications.
„Ce faire violence en tout” ou „Donner son sang pour recevoir l’Esprit” signifie lutter „jusqu’au sang” contre le péché et les tentations qui nous assaillent jour et nuit et accomplir le bien au prix de tout sacrifice. Là encore nous retrouvons la Parole de Dieu: „Vous n’avez pas encore resisté jusqu’au sang dans la lutte contre le péché” (Hebr. 12,4). Tout bien s’accomplit avec de la peine et de la souffrance. L’oeuvre qui n’ engage pas un vrai combat de notre part ne vaut rien. Saint Isaac le Syrien la nomme „avorton”.
Bien sűr, nous devons  nous forcer, tout d’abord, de pratiquer une vie sacramentelle régulière. Car le fondement de la vie chrétienne c’est l’Eglise et ses sacrements dont l’Eucharistie est au centre. Mais , les sacrements dont l’Eucharistie que nous prenons chaque dimanche, n’agissent pas automatiquement sur notre être profond et ne nous changent pas si nous ne multiplions pas en même temps les efforts acétiques pour la purificatio
Surtout la prière doit illuminer notre intelligence et guider toutes nos actions. Car c’est la prière plus que toute autre oeuvre qui nous rend sensible à l’action de l’Esprit Saint en nous. Et c’est par elle aussi que l’Esprit recueille toutes nos facultés spirituelles dans le coeur et recompose ainsi l’unité de notre être divisé par le péché.
Nous faisons tous cette expérience terrible de la division intérieure due à la multiplicité de pensées et aux passions mauvaises qui s’emparent de nos sens. Or la prière accompagnée par le jeűne peut réduire ces tensions intérieures et finalement les faire disparaître pour que la paix s’installe dans notre coeur. Mais pour cela nous devons consacrer à la prière beaucoup plus de temps que nous ne le faisons, généralement. Et surtout, essayer toujours de faire une prière agréable au Seigneur, c’est-à-dire une prière pure de tout melange d’autre pensées, mêmes bonnes.
La tradition ascetique nous enseigne de prier „avec l’intellect dans le coeur” ou de „faire descendre l’intellect dans le coeur”. C’est la „prière du coeur”. Cela veut dire que l’intellect doit accueillir uniquement les mots de la prière et atteindre le coeur, qui de toute facon est sa racine, „sa maison”. Selon les Pères ascétiques, l’intellect est une énergie du coeur. Il ne sera jamais en paix tant qu’il restera extérieur au coeur, coupé de sa racine. Nicephore l’Ascète (XIII -ème siècle) dit que l’intellect est semblable à un homme qui part dans un long voyage. Tant qu’il est loin de sa famille, il est soucieux de ce que peut arriver à sa femme et à ses enfants. Mais une fois rentré à la maison, il est en paix. C’est ainsi notre intellect: tant qu’il erre en dehors du coeur il n’aura pas la paix. Or, la prière est justement le moyen par lequel l’intellect peut descendre dans le cœur. C’est dans le coeur, centre de l’être humain et de la vie spirituelle, que la grâce baptismale a sa demeure . Et à partir du coeur, par la prière, elle „s’empare” de tous nos membres. Le premier signe de la prière accomplie avec l’intellect dans le coeur est justement la „sensation du coeur”, une chaleur qui se repand autour du coeur. Or, selon Diadoque de Photicés „la sensation du coeur est la sensation de Dieu”. Lorsque l’homme sent son coeur, il sent Dieu, lui-même, sa présence agissante en nous. Ainsi, par une prière prolongeé, „incessante”, comme nous exhorte Saint Paul (Eph. 5, 17) le coeur se pacifie, s’unifie et se dilate. Il englobe en lui toute l’humanité, toute la création. Car par la grâce de l’Esprit Saint il est devenu un coeur miséricordieux. Il a pitié de tous les hommes, de toute la création qui souffre sous le pois du péché. Il prie pour tous, même pour les serpents (démons), dit Saint Isaac le Syrien.
Le signe de la sainteté, dit ce même saint, est justement ce coeur miséricordieux, ce coeur compatissant. Car il déborde d’amour pour tout ce qui existe. De tels coeurs unifiés et pacifiés, chaleureux et miséricordieux a besoin le monde aujourd’hui, plus que jamais, pour qu’il dépasse son individualisme égocentrique, destructeur de la personne humaine et de son milieu naturel.